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Entretien avec Andreï
Jourdane
(Andysan)
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le 27 janvier 2004
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Myriad : Bonjour, M Jourdane, merci d'accepter
de répondre à ces quelques questions. Vous avez
remporté le Prix du Sujet Imposé
Camille Pissarro avec votre oeuvre "Allons
au marché" et nous
voudrions d'abord savoir qui vous
êtes.
AJ : Bonjour et merci à
vous pour cette invitation impromtue. Il n'y a pas grand chose
à dire pour me présenter. J'ai 20 et je suis né
à Rouen. Je suis l'aîné d'une famille catholique de
5 enfants. Pour me définir par quelques traits de
caractère, je dirais que je suis timide (beaucoup moins par
Internet), fainéant mais persévérant.
Myriad : Sur quel matériel
travaillez vous ?
AJ : Je fais de la musique informatique donc j'utilise une
plateforme numérique, à savoir le PC. Je n'ai jamais eu
l'occasion d'approcher la technologie Macintosh pour l'instant, ni
les techniques analogiques dites Hardware. Je travaille en Midi
pour faire mes partitions virtuelles et pour ensuite y incorporer
des instruments virtuels (comme des instruments d'orchestre
échantillonnés, des percussions, des synthés
modulaires etc...) dans des séquenceurs logiciels tout aussi
virtuels. La partie Audio me sert à faire le mixage de toutes
mes voix avec des programmes d'édition audio
(notamment pour les effets...). J'utilise également une table
de mixage et 4 micros différents pour enregistrer la voix, des
instruments acoustiques ainsi que des bruits domestiques et
divers.
Myriad : Quel est votre cursus
musical ?
AJ : J'ai commencé la musique à l'âge de 7 ans par
la flûte à bec. Je suis entré au conservatoire de
Toulouse à l'âge de 9 ans et j'en suis sorti à
l'âge de 18 ans avec un Diplôme d'Etudes Musicales
regroupant diverses matières comme le solfège,
l'instrument, la musique de chambre et divers ateliers. J'ai obtenu
la même année mon bac option musique et le 1er tour du
concours d'entrée au CNSM de Paris, en violoncelle. J'ai
également joué dans pas mal d'orchestres du conservatoire
et fait un stage avec l'orchestre du Capitole de Toulouse. Je n'ai
pas été plus loin dans le cursus instrumental car j'ai
axé mes études depuis Mai 2003 sur la composition, en
prenant des
cours par correspondance (équivalent à un cycle de
conservatoire que je n'ai pas pu faire à l'époque).
Myriad : Jouez-vous d'un
instrument de musique (ou de plusieurs) ?
AJ : Je joue du violoncelle et de l'orgue liturgique en amateur. Je
sais jouer trois accords à la guitare et j'ai des restes de
flûte à bec. Dans ma tête, j'essaie de jouer plus
d'instruments car pour composer, il faut connaître les
spécificités propres à chacun d'entre eux.
Myriad : Quels sont vos goûts
musicaux ? Vous pouvez citer des artistes ou des genres musicaux si
vous le désirez.
AJ : C'est une très vaste question. En effet, je m'interesse
à beaucoup de styles musicaux. Avant tout, le Classique à
toutes ses époques ; du baroque avec Bach au romantisme avec
Schubert, de l'impressionisme de Debussy à l'electroacoustique
de Stockhausen et j'en passe. J'affectionne particulièrement
la musique de chambre. J'aime les musiques plus folkloriques comme
la Country (Bluegrass...) ou la musique Celte (Mac Kenneth...).
J'ai des périodes plus Pop/Rock nostalgiques
(Queen/Mickaël Jackson...) ou carrément Black Métal
Symphonique (Dimmu Borgir, Children of bodom...dont je fais un clin
d'oeil à François). Il y en a tellement. Tout est
très interessant, surtout depuis que je suis passé de
l'autre côté des hauts-parleurs...
Myriad : Plus
précisément, en ce moment, quelle musique
écoutez-vous ?
AJ : En ce moment, je m'intéresse plus particulièrement
à la musique de film pour essayer de découvrir les
mystères de l'orchestration et de la musique descriptive.
J'écoute les bandes originales de John Williams, de James
Newton Howard qui sont certes controversées par les puristes
mais qui, je trouve, sont très intéressantes au niveau
descriptif. Et d'ailleurs, on y retrouve nombreux clins d'oeil aux
plus grand compositeurs classiques si on fait attention.
Je passe beaucoup de temps à surfer sur les forums pour y
découvrir des compositeurs amateurs comme moi ou plus pros et
à écouter leurs oeuvres. On apprend énormément
dans les cybercommunautés. Je m'interesse également
à la musique électronique (notamment pour l'utilisation
des synthés virtuels) et aux bruitages (Hollywood Edge, Vienna
Symphonic Library, techniques de prise de sons et
échantillonnage d'instruments...).
Myriad : Quelles musiques
n'écoutez-vous plus du tout ?
AJ : Il y a des musiques que je n'écoute pas ou plus comme la
variété, le r&b, la techno, le rap, les chansons
françaises,..., non pas qu'elles soient inintéressantes
mais il faut bien faire un choix un jour car on ne peut pas tout
étudier ni tout écouter non plus.
J'ai toujours des périodes qui reviennent mais c'est
principalement dans les styles déjà cités, surtout
le classique. Ceux qui agissent le plus sur ma
sensibilité.
Myriad : Si l'on vous demandait de
choisir une musique qui serait placée dans une capsule à
destination des habitants d'Alpha du Centaure, quel serait votre
choix ?
AJ : Il y a une infinité de possibilités selon l'effet
désiré. Je suppose que si on leur envoie une capsule,
c'est pour qu'ils viennent nous voir, comme une invitation, donc je
choisirai l'intro de la musique du film "Microcosmos" de Bruno
Coulais. Ca ne dure pas longtemps, c'est classique de forme mais
très electroacoustique de réalisation. Il y a des
instruments classiques, moins classiques, une voix jeune et
lyrique, le tout formant un bon compromis, un ensemble
mystérieux et beau, invitant à la curiosité. Pour
sûr, ils viendraient nous voir ;-)
Myriad : Si vous deviez être
coupé du monde pendant un an, quels sont les
deux albums que vous emporteriez
avec vous ?
AJ : Tel que je me connais, je passerais des heures à choisir
sans jamais être satisfait donc je piocherais au hasard deux
cds dans ma discothèque sans les regarder jusqu'à ce que
je passe les portes.
Myriad : En ce qui concerne
l'oeuvre qui a remporté le concours, quelle a été
votre source d'inspiration ?
AJ : Le tableau bien évidemment. J'ai essayé de
retranscrire ce que l'expérience me disais d'un son de
clochet, d'une foire car c'est un peu le mélange d'un
marché et d'une fête. Il faut trouver un ensemble
cohérent avec une ambiance conviviale bon enfant. J'aurai
voulu m'inspirer directement de la musique impressioniste de cette
époque, comme La Cathédrale engloutie de Debussy ou
encore Chausson et Ravel, mais je n'ai pas encore le niveau pour
cela.
Myriad : Quel a été
votre cheminement de composition ? (les détails techniques
intéresseront les lecteurs)
AJ : Et bien j'ai commencé la composition tard par rapport
à l'apprentissage musical.
Je m'y suis mis avec Melody Assistant en 2000. Au début,
c'était juste pourécouter des notes et des instruments
jouer ensemble. J'y ai pris goût etj'ai continué. Ce qui
m'a insité à le faire, c'est d'une part, les musiques en
midi simple des vieux jeux vidéo comme Monkey Island ou autres
King Quest ; et d'autre part, la technologie grandissante des
instruments virtuels. Je ne pensais pas qu'on pouvait aller si loin
en matière de réalisme et de musicalité.
Jusqu'à lors, on ne pouvait pas comparer une musique
informatique d'un orchestre. C'est maintenant le cas et je vous
invite à écouter les démos de la Vienna Symphonic
Library...
Pour composer en informatique musicale, il faut travailler
plusieurs choses car il y a plusieurs phases. La première,
c'est la partition. Quelle soit sous forme de notes, de
séquences ou de bâtonnets etc..., ça reste en
quelque sorte un schéma du morceau. C'est la toile du peintre
avec les dessins au crayon.
Ensuite, il faut assigner des instruments à cette toile non
colorée pour lui donner une dimension. C'est
l'orchestration. Il faut essayer, quand on n'a pas dix ans
d'études derrière soit, de mélanger les instruments
pour voir quels sont ceux qui vont ensemble pour créer
telle
atmosphère ou telle autre. Il n'y a pas de secret, il y a des
"trucs" mais c'est sans arrêt une recherche constante et
passionnante d'ailleurs. Par exemple, chaque instrument à une
signification. Le cor, selon les "règles", symbolise le
cosmos, les grands espaces, mais aussi le courage, la bravoure.
Il en est de même pour tous les autres instruments, qui
peuvent symboliser des phénomènes, des émotions mais
surtout, des états d'âme. La troisième phase, qui je
pense est la plus technique, c'est la musicalité
(déjà présente dans les notes elles-mêmes de la
partition...). C'est de donner un
corps à ce morceau, c'est le coup de pinceau en plus, la patte
du peintre.
Il s'agit de faire jouer ces instruments de manière assez
concrète pour faire naître une émotion. Et là,
il faut jouer sur tous les tableaux ou plutôt sur toutes les
enveloppes. Celle de Volume indique l'intensité,
c'est-à-dire si le hautboiste envoie beaucoup de souffle dans
son hanche ou non. Celle de Vélocité indique le timbre,
si le violoniste joue prêt de son chevalet ou plus
éloigné. Il y a l'enveloppe de panoramique, qui indique
la place de l'instrument dans la formation musicale et le lieu. Il
y a de nombreux moyens de faire jouer les instruments d'une
manière proche du joueur lui-même, si on connait bien le
jeu de l'instrument.
La dernière phase, c'est le traitement du morceau dans son
ensemble. Ainsi on va rajouter un peu de réverbération si
on veut donner l'impression que c'est joué dans une
église, une équalisation spéciale si on veut que le
morceau soit joué sous l'eau, etc...
Quand on commence à maîtriser tous ces principes de base,
tout devient possible et on peut aller au-delà de la
réalité (faire jouer un orchestre sous l'eau parait
difficile), pour exprimer quelque chose. Evidemment, ce n'est qu'un
exemple mais c'est pour moi un des intérêt de la musique
virtuelle, on peut aller plus loin dans la recherche musicale.
C'est ma méthode de composition mais il existe autant de
méthodes qu'il y a de compositeurs.
Myriad : Avez-vous une anectode
à narrer ? Pas nécessairement reliée à votre
oeuvre mais en rapport avec la musique.
AJ: Et bien, autant je savais qu'il pouvait y avoir des
affinités plus ou moins grandes entre les personnes, autant je
ne savais pas que cela pouvait être possible en musique. Il
m'est arrivé souvent de composer quelque chose de mon
côté sans utilisation réelle et de le faire
écouter à des amis (notamment Esther Tristan) qui
composent eux-même de leur côté et de voir que nous
sommes dans le même morceau. Oui, à quelques battements
par minute prêts. Coïncidence? Au bout d'une fois oui,
mais à force, c'est assez étrange, surtout avec des
personnes plus différentes les unes des autres et même
dans des domaines différents, comme poésie/musique,
musique/musique
etc... c'est quelque part la magie de la musique parce qu'on ne
peut pas la toucher. On voit les tableaux et on peut les toucher,
on lit les livres et on peut les comprendre quand ils sont
écrit mais la musique, je trouve que c'est différent. En
effet, il faut s'unir parfois en grand nombre, pour
faire une seule musique! C'est impalpable.
Myriad : Quelles sont vos
objectifs ou vos projets dans le domaine de la musique ?
AJ : Mon objectif, c'est de devenir un bon compositeur amateur,
semi-pro. En effet, depuis un an, plusieurs projets
s'enchaînent, qui confirment mon objectif. Je viens de sortir
un Cd de poésies lues et accompagnées en musique avec mon
oncle et depuis, je travaille sur des projets amateurs, comme
reportages, court métrages, jeux vidéos. J'espère
également pouvoir un jour écrire de la musique
sacrée, à l'image du mode de vie moyenâgeux et
baroque, ou de la musique Louis XIVème que j'aime
particulièrement.
Myriad : Avez-vous un site Web
personnel ?
AJ : Personnel, non. J'attends d'avoir un cv bien rempli pour me
lancer dans un bon site perso. En revanche, j'ai fait un site pour
notre projet de poésie musicale (www.yannick-dequatremard.com).
C'est surtout un site pour la promotion du cd de mon oncle, mais on
y trouve quelques renseignements sur moi puisque je l'ai
réalisé entièrement, de la composition au
pressage.
Myriad : Avez-vous un message ou
conseil à transmettre aux lecteurs de cette rubrique
?
AJ : La seule chose que je pourrais dire ou plutôt conseiller
aux lecteurs, c'est seulement par rapport à mon
expérience personnelle. J'ai souvent désespéré
en musique. Je me suis et je me sens encore parfois, noyé
devant cette immensité de styles, de méthodes etc... J'ai
essayé d'abandonner la musique en vain car quand elle nous
prend, elle ne nous lâche plus donc il ne faut pas se
décourager, ni abandonner. J'ai connu énormément de
personnes qui ont arrêté et qui l'ont regrétté
toute leur vie!
Il faut se dire que le travail est récompensé, et je le
vérifie une fois de plus en vous répondant aujourd'hui.
Et c'est tout. En fait, c'est plutôt moi qui ai besoin de
conseils...
Myriad : Quelles autres questions
auriez-vous aimé que l'on vous pose ? Quelles auraient alors
été vos réponses ?
AJ : Je pense que vous avez posé les questions les plus
pertinentes et adaptées à mon cas. On peut toujours
approfondir dans tel ou tel domaine car la musique est un des arts
les plus vastes mais je n'ai rien de particulier à ajouter.
Pour un début, c'est suffisant.
Myriad : Merci d'avoir
répondu à ces quelques questions.
AJ : C'est moi qui vous remercie. En effet, je suis très
content et très honoré d'avoir mon premier interview de
l'entreprise par laquelle j'ai commencé la composition. Encore
un geste providentiel qui m'encourage. J'espère avoir
répondu selon vos attentes et encore merci.
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